Il fascine les uns, rebute les autres et ne laisse personne indifférent.
Pratique ultime de l’escalade ou de l’alpinisme, le solo a le parfum du
soufre.
Rares sont les grimpeurs ou les alpinistes à ne pas avoir connu la tentation
du solo. Quête d’esthétisme, plaisir du geste pur, sens du défi, folie de
jeunesse, désespoir, pulsions suicidaires… les ressorts ne manquent pas.
« Pourquoi je n’en fais pas ? Peut-être parce que je n’ai pas suffisamment de
colère en moi ou que je n’ai pas assez de couilles. » Serait-ce le début d’une
explication ? C’est le jeune alpiniste Christophe Dumarest, pour qui
l’engagement est une seconde nature, qui dit cela à propos de l’alpinisme et
de l’escalade solitaires. Oui, pourquoi les solistes partent-ils seuls
s’attaquer à un sommet ou une nouvelle voie ? Pourquoi choisissent-ils de
corser souvent leur face-à-face avec la montagne en partant en hiver sur un
8000 mètres, ou en solo intégral, sans aucune assurance ?
On a tout dit d’eux : qu’ils étaient des inconscients, des risque-tout, des
déséquilibrés, des trompe-la-mort. Et si c’était tout le contraire ?
Pour se faire une idée plus juste et mieux comprendre les motivations de ces
artistes funambules de la verticale et de la vie, Gilles Chappaz est parti à
leur rencontre, au travers de textes pour certains, d’interviews pour d’autres
ou en leur demandant de prendre la plume. Pas un ne met en avant les mêmes
motivations, mais tous disent la même chose : le solo est la discipline
ultime, celle qui permet le mieux de se trouver. C’est le « connais-toi toi-
même » des alpinistes ! Walter Bonatti voulait aller « à la frontière
infranchissable de son âme » ; René Desmaison désirait « juste se retrouver
seul avec soi-même » ; Pierre Beghin parlait « d’un morceau d’existence en
dehors de sa propre vie » ; Jean-Marc Boivin avait cette formule lapidaire : «
Je veux vivre, vivre à en crever ! » ; Patrick Edlinger disait ceci : « Le
solo intégral, c’est la vérité, le style le plus pur qui soit. Un jeu
suicidaire ? Mais je tiens trop à la vie. Je n’ai pas du tout envie de mourir
».
De Jacques Balmat à Ueli Steck, en passant par Tita Piaz, Paul Preuss, Hermann
Buhl, Claudio Barbier, Reinhold Messner, Ivano Ghirardini, Renato Casarotto,
Christophe Profit, ou encore Catherine Destivelle, les histoires de solistes
nous offrent le portrait d’une pratique au paroxysme de la grimpe. Il est
question d’engagement total, de choix de vie, d’exaltation, de recherche
spirituelle, de courage, de bravoure, de peur aussi.