Cet hiver, la revue L’Alpe vous fait découvrir eaux-de-vie, liqueurs et autres
spiritueux d’exception, vus au prisme de l’histoire, de la géographie, de
l’ethnologie, voire, au travers de quelques pages pratiques confiées à de
grands connaisseurs de la science de la dégustation.
« Vous prendrez bien un verre de génépi ? » Dans les Alpes, la question
marquait autrefois immanquablement chaque fin de repas au restaurant dans tout
terroir alpin digne de ce nom. Si les usages ont aujourd’hui quelque peu
changé (consommez avec modération !), tout l’esprit de la montagne reste bel
et bien présent dans ces productions séculaires qui donnent à « succuler »
d’une autre façon les fruits et les plantes de l’alpe.
On pense bien entendu à ces moines qui se sont exilés dans le désert de la
Grande Chartreuse et y ont créé, en 1764, cette liqueur divine, jaune ou
verte, à la recette toujours tenue secrète mais qui s’exporte aujourd’hui avec
maestria dans les bars à la mode de New York et jusqu’en Chine. On pense aussi
à toutes ces plantes de haute altitude comme la vulnéraire, la gentiane,
l’absinthe ou le thé des Alpes que les agriculteurs de la pente marient aux
alcools blancs avec un savoir-faire inégalé. On pense encore à cette route des
liqueurs, en Autriche, qui rassemble près de 4000 (!) distilleries et qu’il
convient donc d’arpenter à pied plus sûrement qu’en auto… Et ce bon vieux
saint-bernard, partant à la recherche des voyageurs perdus dans la tempête de
neige, qu’avait-il donc dans son célèbre tonneau ?
Les bouilleurs de cru ont quant à eux longtemps fait partie du paysage et
balisé le rythme des saisons dans les montagnes au même titre que la « tuade »
du cochon, le passage du colporteur, la désalpe des troupeaux ou la récolte
des foins. On dit même que ces productions avaient également des vertus
médicinales.
Aujourd’hui, une véritable industrie s’est développée autour de ce secteur
avec des marques comme Cherry-Rocher (en Isère), Dolin (en Savoie) ou Morand
(en Suisse. Et certains vont même jusqu’à collectionner les flacons les plus
prestigieux pendant que des associations comme Slow Food tentent de préserver
les tours de main parfois rares liés à la fabrication de ces nectars.